Abdelaziz Bouteflika à Alger, le 9 Avril 2018
L’idée planait depuis plusieurs mois déjà. La perspective d’une candidature d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence de l’Algérie pour un cinquième mandat vient de franchir un nouveau pas. Samedi 7 avril, le secrétaire général du FLN, ex-parti unique, dont M. Bouteflika est le président d’honneur, a appelé le chef de l’Etat à se représenter en 2019. « Au nom de tous les militants du parti du FLN, au nombre de 700 000, et au nom de ses partisans et ses sympathisants, je m’engage en tant que secrétaire général à transmettre au président de la République les souhaits et le désir des militants de le voir poursuivre son œuvre », a déclaré Djamel Ould Abbès lors d’une réunion.
Ce lundi, soit deux jours après l’appel du responsable du FLN, le chef de l’Etat a effectué une apparition publique. En fauteuil roulant et costume trois pièces, il a salué la foule qui était massée dans le centre d’Alger. Officiellement, l’objet de cette sortie était l’inauguration d’une extension du métro d’Alger et de la mosquée Ketchaoua, rouverte après trois ans de rénovation. Mais son caractère exceptionnel, à ce moment précis, a renforcé les interrogations sur un éventuel nouveau mandat.
Une telle hypothèse laisse perplexe : le chef de l’Etat, qui a fêté le 2 mars ses 81 ans, ne s’adresse plus directement aux Algériens depuis 2013. Les observateurs de la vie politique rappellent toutefois que la candidature à un quatrième mandat avait semblé, elle aussi, peu probable. Victime d’un AVC en 2013 et soigné plusieurs mois à Paris, Abdelaziz Bouteflika avait pourtant été réélu, le 17 avril 2014, à l’issue d’une campagne électorale pendant laquelle il n’était jamais apparu en public. La « machinerie du système », selon la formule de l’ancien chef de gouvernement, Sid Ahmed Ghozali, s’en était chargée pour lui.
Fin de non-recevoir
Ces dernières années, les apparitions du président se sont toutefois faites de plus en plus rares. Son état de santé fait l’objet de questionnements incessants. En octobre, trois personnalités respectées, Ahmed Taleb Ibrahimi, ex-ministre des affaires étrangères, l’avocat Ali Yahia Abdennour, ancien ministre et doyen des militants des droits de l’homme en Algérie, et le général en retraite Rachid Benyelles avaient donné l’alerte sur une possible nouvelle candidature en 2019.
Dans une tribune commune, les trois hommes accusaient « l’entourage familial du président et un groupe de puissants oligarques » de pousser « l’arrogance et le mépris envers les citoyens jusqu’à préparer la candidature pour un cinquième mandat présidentiel, d’un vieil homme impotent et incapable de s’exprimer ».
Le vrai message du trio était destiné aux chefs de l’armée, dont ils disaient attendre, « à défaut d’accompagner le changement qui s’impose », de se « démarquer de manière convaincante du groupe qui s’est emparé indûment du pouvoir et entend le conserver en laissant croire qu’il a le soutien de cette même institution ».
A cet appel, comme à d’autres, une fin de non-recevoir a été sans cesse martelée par le général Ahmed Gaid Salah, vice-ministre de la défense et chef d’état-major de l’armée, en invoquant ses « missions constitutionnelles ». Le message est clair : les chefs de l’armée ne s’opposeront pas à un éventuel cinquième mandat. La seule vraie inquiétude pour le pouvoir serait l’absence d’autres candidats.
Le 19 mars, dans un message lu en son nom par le ministre des moudjahidine (anciens combattants), le chef de l’Etat indiquait : « La scène politique doit connaître une diversité, une confrontation de programmes et une course au pouvoir », ajoutant qu’il était du « devoir de tout un chacun de contribuer à ce mouvement démocratique pluraliste ».
Manque de « compétition politique loyale »
Les partis d’opposition n’ont pas tardé à réagir, soulignant qu’il est paradoxal de parler de confrontation des programmes et de course au pouvoir dans un pays où le champ politique est verrouillé. La crainte de servir malgré soi de « lièvre » ou de « faire-valoir » à un cinquième mandat est si forte qu’aucune personnalité politique n’a encore affiché ses intentions pour 2019. « Les conditions n’ont jamais été réunies pour qu’il y ait une compétition politique loyale », a commenté Hassen Ferli, responsable de la communication du Front des forces socialistes (FFS), en mars.
Soufiane Djilali, chef du parti Jil Jadid (génération nouvelle), a lui lancé l’idée d’une « candidature unique » de l’opposition au scrutin de 2019. Mais dans un climat de désintérêt général pour la politique, sa réussite est peu probable.
Le clan présidentiel ne laisse rien filtrer. Comme en 2014, une éventuelle candidature ne sera annoncée que tardivement afin d’encourager les vocations. Pour rappel, après avoir entretenu le doute et laissé les rumeurs les plus contradictoires circuler, Abdelaziz Bouteflika avait annoncé sa candidature le 22 février 2014, soit moins de deux mois avant le scrutin. L’embarras est beaucoup plus grand chez ses adversaires potentiels, qui ne peuvent se permettre de trop attendre pour se prononcer. Malade, le chef de l’Etat reste au centre du jeu.
Le Monde Afrique