Le chef de file de l'opposition au Mali, Soumaïla Cissé, en campagne à Mopti (centre) pour l'élection présidentielle de dimanche, le 26 juillet 2018 | AFP | ISSOUF SANOGO
Dans le stade de Mopti, surnommée "la Venise du Mali", rallié par quelque 10.000 personnes, le principal rival du président sortant et candidat à sa propre succession, Ibrahim Boubacar Keïta, est arrivé avec plusieures heures de retard, à la tombée de la nuit, traversant en souriant, mais presque discrètement, la foule de ses partisans.
Dans sa profession de foi, celui qui avait été largement battu au second tour en 2013 par "IBK", dénonçait un "centre du pays qui s'embrase", avec des "violences intercommunautaires qui se déroulent dans un silence coupable".
- 'Risques de fraudes' -
"Il y aura la paix ici", a promis le candidat à Mopti, ville où il a passé son enfance, sur un ton quelque peu professoral. Face à un public attentif mais peu expansif, cet ingénieur de formation a dit miser sur "le dialogue" et "l'unité".
"Notre pays, le Mali, se meurt, est en difficulté. Notre pays a besoin de réactions vives et rapides", a ajouté celui qui a fait carrière dans de grandes entreprises, IBM, Péchiney ou la Compagnie malienne pour le développement textile (CMDT) avant de diriger plusieurs ministères, dont celui des Finances, et de présider de la Commission de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) de 2004 à 2011.
"Il nous faut des institutions fortes, une armée à hauteur des nos ambitions", a-t-il ajouté, en rendant un hommage aux "femmes maliennes, toujours en première ligne" et en promettant la suppression des vignettes sur les motos et de taxes sur le bétail.
Lors de son intervention d'une trentaine de minutes, le candidat de 68 ans a aussi plaidé pour "un président qui se lève le matin", en allusion à la réputation de lève-tard d'Ibrahim Boubacar Keïta.
Soumaïla Cissé, qui se présente pour la troisième fois à la présidentielle, a également réclamé la "vigilance" face à des "manipulations" du fichier électoral par le pouvoir, qui pourraient déboucher selon lui sur des fraudes.
- 'Les bandits recrutent'-
Mercredi, dans le village de Soména, près de Djenné, à une centaine de km au sud de Mopti, une attaque attribuée à des chasseurs traditionnels ont fait au moins trois morts parmi les civils peuls.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés ou dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, qui se poursuit actuellement.
Malgré un accord de paix signé en mai-juin 2015, les violences ont persisté et se sont propagées depuis vers le centre et le sud du pays, puis au Burkina Faso et au Niger voisins.
"Il faut des projets pour les jeunes. Les bandits et les jihadistes ont de l'argent et ils recrutent", estime Almany Ouare, qui préside l'association des handicapés de Mopti, qui regrette l'époque dorée où les touristes passaient par Mopti pour visiter le pays Dogon.
Ce fonctionnaire dénonce également l'interdiction de la circulation des motos, censée diminuer l'insécurité mais qui selon lui empêche le commerce. "On ne peut plus vendre les poissons, ils pourrissent sur place", dit-il.
A une quinzaine de km de Mopti, l'aéroport de Sévaré a été visée dans la nuit de lundi à mardi par deux tirs d'obus lors d'une attaque jihadiste présumée qui n'a pas fait de victime. Le 29 juin, le mur d'enceinte du quartier général de la force antihihadiste du G5 Sahel, à côté de cet aéroport, avait été soufflée par un attentat qui avait fait trois morts, dont deux militaires maliens, mettant à nu les failles béantes de la sécurité dans cette région.
"On m'avait demandé d'être délégué dans un bureau de vote dimanche, mais j'ai refusé. Les bandits peuvent venir à tout moment. Moi, j'irai voter et je rentrerai directement chez moi", explique encore Almany Ouare.
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