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La crise politique est loin de s'apaiser au Togo. Et il est difficile de voir quels acteurs pourraient intercéder pour éteindre les « braises ». En tout cas, l'Afrique de l'Ouest a manifesté son intérêt à travers des médiateurs comme Alassane Ouattara de la Côte d'Ivoire, Patrice Talon du Bénin, les anciens chefs d'État du Nigeria, Olusegun Obasanjo, et du Ghana, Jerry Rawlings. Bien avant eux, le président Alpha Condé, à la tête de l'Union africaine, avait proposé ses bons offices, sans résultat. Mais on s'active aussi à l'extérieur du continent, OIF et ONU veulent pouvoir réconcilier les deux parties. En effet pour l'instant, chaque camp, pouvoir et opposition, continue de camper sur ses positions. Une chose est sûre : cette effervescence est la preuve que les lignes peuvent bouger d'un moment à l'autre. Puisqu'au début de la crise, la Cédéao avait soutenu la voie référendaire pour faire passer la révision constitutionnelle voulue par le gouvernement. Désormais, c'est la voie du dialogue qui est privilégiée. Finalement, qui fait quoi ? qui propose quoi ? alors que le pays a un lourd passif en termes de médiation. Revue des différents acteurs présents dans cette crise.
Depuis ce 24 octobre, en marge du sommet de la Cédéao tenu à Niamey, Alassane Ouattara, le président ivoirien, a pris la tête d'un consortium de cinq chefs d'État dont Mahamadou Issoufou du Niger, Nana Akufo-Addo du Ghana, Muhammadu Buhari du Nigeria et Faure Gnassingbé du Togo, en outre président en exercice de l'organisation régionale. Objectif : sauver le Togo, plongé dans une grave crise politique. Ce qu'ils proposent ? Des négociations.
Au micro de RFI, le chef de l'État ivoirien a clarifié sa position en condamnant les violences tout en appelant au dialogue : « Nous condamnons la violence, quelle que soit son origine... Donc les manifestations doivent pouvoir se faire, mais de manière pacifique... Nous estimons qu'il faut des négociations, car il y a des institutions au Togo. Et ces négociations doivent aboutir aux modifications constitutionnelles qui ont déjà été engagées : c'est-à-dire la limitation à deux mandats et la question d'une élection où la majorité absolue doit être constatée au premier tour à défaut de quoi il faut un second tour. »
L'actuelle Constitution togolaise ne limite pas le nombre de mandats que peut effectuer le président, dont le choix se fait lors d'un scrutin à un seul tour. Aujourd'hui, face à la contestation, le gouvernement a fait voter un projet de modification constitutionnelle qu'il doit soumettre par voie de référendum, mais l'opposition est contre, car la limitation des mandats n'est pas rétroactive et permettrait à Faure Gnassingbé élu en 2005 de se représenter en 2020, puis en 2025.
En même temps que le président Ouattara, d'autres médiateurs se sont rendus à Lomé récemment. C'est le cas de Patrice Talon, le chef de l'État béninois. Par deux fois ce dernier a rencontré le chef de l'État togolais. Les deux hommes se parlent aussi régulièrement selon leurs proches conseillers. Mais rien n'a filtré sur les projets du président Talon, alors que l'urgence est là. Et la question de savoir si l'escalade en cours peut être stoppée reste en suspens.
Depuis lundi 23 octobre, une délégation de la Commission interparlementaire de l'UEMOA séjourne à Lomé. Composée des vice-présidents des Parlements du Bénin, du Burkina, du Niger, du Mali et du Sénégal, la délégation écoute les protagonistes et reçoit leurs propositions de sortie de crise.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Francophonie n'est pas la bienvenue au Togo. Début octobre, la coalition de l'opposition avait décidé de ne pas rencontrer la mission de l'OIF en visite au Togo pour faciliter le dialogue entre les deux parties, arguant ne pas vouloir rencontrer la présidente de la délégation, Aïchatou Mindaoudou. Diplomate et ancienne ministre du Niger voisin, elle est accusée par l'opposition d'avoir facilité l'ascension au pouvoir de Faure Gnassingbé en 2005, dans un climat de forte répression qui avait fait 500 morts, selon les Nations unies. En 2005, l'OIF avait participé à la création de la Commission vérité, justice et réconciliation dont le but était de faire la lumière « sur les circonstances et les protagonistes des violences récurrentes [notamment en période post-électorale] qui ont émaillé le Togo de 1958 à 2005 – où elles ont atteint leur paroxysme lors de l'élection présidentielle puisque, selon diverses sources, près de 500 morts ont été recensés. À la suite de ces événements tragiques, la communauté internationale a diligenté une commission d'enquête sous l'égide des Nations unies ». Plus de douze ans plus tard, la situation politique n'a que très peu évolué, et les recommandations de l'Institution n'ont pas toutes été suivies d'effets.
La secrétaire générale de l'OIF, Michaëlle Jean, a beau « déplorer l'escalade de la violence » dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, assurant maintenir « des contacts réguliers avec les plus hautes autorités togolaises ainsi qu'avec les partenaires régionaux et internationaux », le pouvoir a tout simplement annulé la conférence ministérielle de la Francophonie qui devait se tenir à Lomé du 24 au 26 novembre prochain.
Très scrutée, la position de la France n'est pas aussi tranchée qu'on peut le penser. En effet, interpellée par les membres de l'opposition, dont le tout nouveau venu sur la scène politique togolaise, Tikpi Atchadam, du Parti national panafricain, qui a demandé à la France d'intervenir pour trouver une solution, c'est au travers d'un point presse ce 25 octobre que la voie de la France s'est fait entendre. « La France reste attentive à l'évolution de la situation au Togo. Nous condamnons les violences qui y ont été observées. Nous sommes préoccupés par les rapports sur la présence d'hommes en civil aux côtés des forces de l'ordre, pouvant s'apparenter à des milices. Nous souhaitons que le gouvernement togolais respecte le droit de manifester. Les manifestations doivent s'exprimer de façon pacifique. Dans ce contexte, la France appelle à l'ouverture d'un dialogue immédiat qui doit mener aux réformes politiques attendues, en particulier la révision de la Constitution prévoyant la limitation à deux mandats présidentiels et l'instauration d'un scrutin présidentiel à deux tours. Nous soutenons les initiatives régionales visant à établir le dialogue entre les différentes parties. » Un message qui va dans le même sens que l'appel lancé par le président Alassane Ouattara. Washington rejoint la France, en condamnant les violences tout en encourageant le dialogue.
En somme, les deux puissances ne souhaitent pas voir la situation perdurer, mais ils ne vont pas intervenir pour trouver des solutions, et préfèrent laisser la main « aux Africains » dans ce dossier.
Alors que le calme revient à Lomé, la capitale et d'autres grandes villes, l'opposition a appelé lundi à de nouvelles manifestations le mois prochain contre le régime du président Faure Gnassingbé après deux mois de grave crise politique. « Nous appelons à trois jours de manifestations les 7, 8 et 9 novembre à Lomé. Nous invitons les Togolais – de l'étranger comme de l'intérieur du pays – à prendre part à ces manifestations pour dire [au président] Faure Gnassingbé que nous ne voulons plus qu'un seul Togolais fasse plus de dix ans à la tête de ce pays », a déclaré à l'AFP le porte-parole de la coalition de l'opposition Éric Dupuy. « Et sachant qu'il a déjà fait plus de dix ans, qu'il en tire les conséquences », a-t-il ajouté. Il a aussi annoncé des meetings à l'intérieur du pays les 28, 29 et 30 octobre et 4 et 5 novembre.
Source: Le Point Afrique