Liberia - Présidentielle : c'est l'incertitude qui l'emporte

Georges Weah en campagne

L'ex-footballeur George Weah et le vice-président Joseph Boakai devaient s'affronter lors du second tour de la présidentielle, prévu dans moins d'une semaine, le 7 novembre, mais Charles Brumskine, candidat du Parti de la Liberté, arrivé troisième au premier tour, a contesté le résultat, affirmant que l'élection avait été entachée d'irrégularités. Appuyé dans ce sens par deux autres partis, dont celui de la présidente Ellen Johnson Sirleaf au pouvoir. Conséquence : la Cour suprême du Liberia a décidé de reporter le second tour de la présidentielle. Et pourtant ces troisièmes élections générales (législatives et présidentielles) depuis 2005 présentaient pour la première fois depuis 1989 la possibilité d'une alternance pacifique...

Un test démocratique loin d'être gagné

Saisie par trois partis politiques contestant les résultats du premier tour de la présidentielle du 10 octobre, la Cour suprême a demandé aux membres de la Commission électorale (NEC) de comparaître pour répondre aux accusations. Il est demandé aux membres de la Commission d'expliquer pourquoi le recours introduit par le Parti de la liberté de Charles Brumskine et soutenu par deux autres formations dont celle du vice-président Boakai n'est à ses yeux pas fondé, comme elle l'explique dans un document rendu public mercredi.

Joseph Boakai a obtenu 28,8 % des voix au premier tour contre 38,4 % pour Georges Weah. Le Parti de la liberté de Charles Brumskine, crédité de 9,6 % des suffrages, a été le premier à déposer une plainte à la Commission électorale. Il estime que des électeurs dûment inscrits n'ont pas pu voter et avoir notamment constaté dix incidents liés à des fraudes. Il demande une annulation du premier tour et un nouveau scrutin "pour s'assurer qu'une élection libre et transparente soit organisée conformément à la Constitution."

En attendant que cet imbroglio juridique trouve une issue, la Cour suprême a décidé de suspendre le second tour qui était prévu pour le 7 novembre. Cette audience, qui devait se tenir jeudi matin, a été reportée à vendredi pour des "raisons de procédure", a précisé le porte-parole de l'Institution liberienne.

Une médiation pour anticiper la crise

Plus qu'une incertitude, ce report de 24 heures met sérieusement en doute la crédibilité de ce scrutin devant servir de test pour la plus ancienne "République d'Afrique". Et surtout permettre aux Libériens de tourner définitivement la page de la guerre civile, qui aura duré dix ans et fait 250 000 morts. Le Liberia a reçu des milliards de dollars d'aide depuis la fin de la guerre civile en 2003. Pourtant, les institutions étatiques restent faibles. La corruption est profondément enracinée.

Pour tenter d'éviter que le pays ne replonge, la présidente Ellen Johnson Sirleaf – qui doit elle-même affronter les rumeurs d'ingérence dans le processus électoral lancé par son vice-président – a réuni à Monrovia le président en exercice de l'Union africaine, le Guinéen Alpha Condé, le président togolais Faure Gnassingbe à la tête de la Cédeao ainsi que les deux candidats finalistes qui pourront occuper un jour Mansion House (le palais présidentiel libérien) George Weah et Boakai pour "écouter leurs différentes préoccupations et leur expertise afin de résoudre ces questions" selon un communiqué de la présidence.

"Nous étions venus un peu inquiets, mais nous partons rassurés parce que tous les candidats ont décidé de s'en remettre à la loi…", a déclaré Alpha Condé. Pour sa part, le chef de l'État togolais a laissé un message sur le réseau social Twitter affirmant que les discussions se poursuivaient : "Nous discutons ensemble de la nécessité de faire aboutir le processus de l'élection présidentielle dans la paix et la quiétude au Liberia."

Et pourtant...

Le déroulement du premier tour a été salué comme largement crédible par les observateurs nationaux et internationaux malgré certaines irrégularités et de long retards relevés dans certaines bureaux de vote. La communauté internationale a lancé des appels aux différentes parties pour que le processus électoral, qui doit mener à la première transition depuis des décennies entre une présidente élue, Ellen Johnson Sirleaf, et son successeur se déroule en bon ordre et que chacun en accepte les résultats.

LePoint Afrique