Il est l’un des symboles de la chute de Blaise Compaoré. Partagé entre la musique (le Rap) et le mouvement social, Serge Bambara alias ‘’Smokey’’ est le co fondateur du « Balai citoyen ».Un des mouvements qui a largement contribué au départ du président déchu au Burkina Faso. Alors que la situation politique reste tendue(http://news.aouaga.com/h/69614.html) et à trois mois de la tenue des élections présidentielles, Smokey se montre plutot optimiste pour son pays.
La fin de la transition, les priorités du futur gouvernement, les poursuites jusdiciaires qui planent sur Blaise compaoré ou encore la lutte contre la corruption "au pays des hommes intègres" ; le rappeur de 43 ans se livre à coeur ouvert et aborde tous les dossiers brûlants du Burkina faso dans cette longue interview accordée à l'A.C.G. PREMIERE PARTIE
Serge Bambara vous êtes connu en tant qu’artiste mais aussi en tant qu’activiste. Quel a été l’élément déclencheur ?
Je crois que c’est simplement de la prise de responsabilité. Lorsque vous êtes un citoyen vous pensez être concerné par les problèmes qui vous entourent .Ce n’est plus une question de droit .Cela devient un devoir. Votre orgueil vous pousse à essayer de trouver une solution. A défaut d’envisager un meilleur système, il faut au moins éliminer le mauvais. Il appartient à chaque africain de comprendre que rien ne se fera sans la participation volontaire des populations. Le développement ne va pas arriver parce que la banque mondiale le veut, parce que les ONG le veulent, certainement pas parce que nos différents gouvernements le veulent, puisque ce sont des marionnettes dans les mains des grandes puissances. Donc le changement viendra lorsque chaque africain en sera conscient. Comme le disait l’auteur Frantz Fanon, « Chaque génération doit, découvrir sa mission, l'accomplir ou la trahir". Nous avons choisi d’accomplir le nôtre.
Lorsque vous êtes dans un système dit démocratique, tout citoyen doit par conséquent accomplir une mission politique: s’intéresser à la vie active de la cité, participer au débat, avoir un droit de regard sur la gestion de la chose publique. Pourquoi s’en priverait-on donc? On a tous intérêt à ouvrir l’œil et le bon, pour s’assurer de ne pas être le dindon de la farce. Ce combat, on le fait pour nos enfants et nos petits enfants. Parce que malheureusement au Burkina, on a eu une génération d’ainé qui n’est peut être pas allée au bout du travail. A chaque fois qu’une génération ne fait pas réellement son boulot, elle donne deux fois plus de boulots à celle qui suit. On a vu la génération de 68 en France et celle d’aujourd’hui, ce n’est pas du tout la même .C’est parce que les gens se sont battus avant que d’autres puissent vivre mieux. C’est cela le sens de la responsabilité que nous voulons inculquer au Burkina. Il nous appartient à nous aussi de faciliter la tâche à nos jeunes frères.
Vous êtes donc engagé par devoir ou par passion ?
Les deux. Pour moi s’engager c’est véritablement exister. C’est important même par égoïsme de se battre pour améliorer les conditions de vie de son environnement. Il n’y a pas d’avenir pour quelqu’un dans un pays qui n’en a pas. On ne peut pas faire partir d’un tout qui est condamné et être sauvé soi-même.
Comment va le Burkina depuis le départ de Blaise, il y a 8 mois ?
Au delà de tout ce qui peut se dire, de toutes les polémiques, de tous les débats intellectuels, le Burkina va plutôt bien. Au moins, il est débarrassé d’une dictature de 27 ans. Au moins, il a pris le chemin de rétablir l’ordre démocratique en mettant en place une transition, une charte politique issue d’un consensus entre la société civile, l’armée et les partis politiques. Pour la première fois de l’histoire du Burkina Faso, un président civil choisi par consensus dirige le pays. Nous pensons que les élections vont effectivement se tenir le 11 Octobre. Je le dis clairement. C’est terminé le temps des Messies. On a vu que ça ne fonctionne pas les supers héros. Il appartient donc au peuple d’être vigilant désormais, d’être les sentinelles de cette Afrique nouvelle. Ça changera vraiment pour moi lorsque le combat cessera d’être personnifié. Lorsqu’il sera logique et élémentaire pour tout le monde. Chaque personne doit s’intéresser à la politique car tout est lié. Il faut que chaque citoyen comprenne qu’il doit s’impliquer dans la gestion politique de son pays. La population ne doit pas laisser la place aux politiques de faire ce qu’ils veulent, sinon elle n’aura que ses yeux pour pleurer, comme ça se passe actuellement dans beaucoup de nos états africains. Arrêtez de dire " moi la politique ne m’intéresse pas". Par exemple, tu auras beau avoir des diplômes de qualité, tu auras beau avoir des bacs + 7, tu n’auras pas de travail si tu n’as pas un tonton ou une tantie dans le gouvernement.
Depuis la chute de Blaise beaucoup estiment que plus rien ne sera comme avant .Est ce que ce changement doit seulement se limiter à la vigilance de la population ?
Moi je pense que l’assurance du développement est la veille citoyenne. Car la plupart de nos dirigeant souhaitent ne rien faire et préfèrent avoir dix-sept maitresses, avoir des comptes en suisse. Donc tant qu’il n’ya pas de pression, ils ne font rien. C’est pourquoi la société doit comprendre qu’il est vital pour tous de rester vigilant.
Vous êtes décidément engagé… Avez-vous le sentiment d’être compris dans le combat que vous menez?
Bien sur que oui. Si le balai citoyen n’avait pas été compris, on n'aurait pas réussi une insurrection populaire. Cette insurrection n’est pas venue que de nous-mêmes ; même si nous y avons été pour beaucoup. Elle venue du peuple burkinabé qui a pris ses responsabilités. Si les gens n’avaient pas cru aux discours qu’on tenait, ils ne seraient probablement pas sortis. Ce qui s’est passé les 30 et 31 octobre ne se seraient peut être jamais produit. C’est donc la preuve que les gens comprennent l’urgence et le besoin de garder la lanterne haute car on a tout vu au Burkina Faso. C’est clair, on n’a pas le choix. La lutte doit continuer. Car la politique, soit on la subit, soit on la canalise.
Le balai Citoyen se définit comme une force citoyenne nouvelle qui s’organise et qui résiste. De quel moyen disposez-vous pour atteindre vos objectifs ?
On a une grande gueule c’est tout. On la ferme pas quand ça ne va pas, on le dit. Et puis, nous n’avons pas peur de descendre dans la boue, nous n’avons pas peur de nous salir les mains…d’aller sur le terrain. Nous ne sommes pas dans les débats perpétuels de salon. Quand il faut agir, on le fait !
Vous pensez que cela est suffisant ?
Que voulez vous de plus, qu’est ce qui vous convaincrait ? Vous pensez que c’est mieux qu’on soit armé, qu’on ait des missiles ou une armée ?
Vous avez besoin de moyens financier par exemple…
Mais les moyens financiers on les trouve… Il faut qu’on arrête de « misérabiliser » la lutte…la caricature du gars qui lutte avec un vieux tee-short délavé toujours crève la faim... C’est fini ça. Ceux qui luttent maintenant ont compris que les moyens financiers sont aussi le nerf de la guerre. Qu’on ne gagnera pas la guerre sans ce minimum. Par exemple, pour une manifestation de 10 000 personnes, il faut au moins 5 litres d’eaux par personnes. Il nous faut de l’argent pour les communications multimédia, pour les pancartes, pour des appels téléphoniques. Nous avons donc toujours besoins de moyens financiers. Mais pour un souci de crédibilité et d’indépendance nous nous refusons souvent de faire appel aux dons de particuliers. Nous couvrons nos dépenses grâce aux cotisations des membres du balai citoyen d’une part, et grâce d’autres parts aux activités génératrices de revenus comme la vente de tee-shirt et autres accessoires. Il arrive aussi que nos collaborateurs assurent des services de façon gracieuse (flyers, spots télé, etc…).
A suivre
L'équipe ACG